Cantate des
âmes folles
Catherine IMPORTUNA / Jürgen EHRE
Paris 1989
1
Silence
murmurant
Feuillage
doucement palpitant.
Et, derrière
le tendre chuchotement
S’élève
La rumeur
tourmentée
Des âmes
égarées.
De ces êtres
Aux
membres-racines
Torturés par
l’énigme
Du temps.
Légende
oubliée.
Témoignage
onirique
Gravé,
Sculpté,
Dans chaque
cri,
Chaque
battement d’aile.
Et le noir se
fait bavard,
S’imprime
D’une
floraison
Tendre et
violente
De vie.
2
L’éclair
blanc
Faisait voler
en éclats
De lumière
Le corps de
l’homme.
Et, sans
cesse,
Il repartait
Sur l’échelle
brisée du temps
Cueillir
l’étincelle divine.
Sans
soupçonner
Qu’elle
dormait
Là.
Flamboyant
Soupir
Silencieux
De vie.
4
Perdu entre ciel et terre
Dans un
crépitement d’âmes folles,
Le loup
porteur d’astres flamboyants
Commence son
ascension céleste,
Au rythme
magique du rituel humain
Pulsation de
vie- pulsation de mort.
Ballet
envoûtant.
Danse
fascinante des ténèbres.
Echo
intemporel pour dompter le temps.
Et la ronde sabbatique
s’accélère,
Accompagnée
par la musique mythique
Des âmes
apeurées, enivrées d’absolu.
5
Sanctuaire emmuré
Entraîné dans
une descente
Sans fin
Vers les
ténèbres secrètes
De l’être.
Terre sacrée,
Immolée,
Dont les
flancs se soulèvent
Violement
Selon le
cycle du temps.
Instrument
cosmique
De
l’inspire-expire
Primitif et
éternel du monde.
Et c’est là
Qu’explose
Au plus
profond d’un silence
De feu,
La tendre
fécondité
Féminine
Des eaux
Primordiales.
6
Sabbat blanc.
Ballet envoûtant.
Danse
fascinante
De la biche
sauvage
Qui
s’accouple au loup guerrier
Pour donner
naissance
A l’homme.
Magie blanche
Et noire.
Union
mythique de la terre
Et du ciel.
Force
primitive
Foudroyée par
l’étincelle divine
De toute
éternité.
Alors retentit
Le chant doux
et tranquille
De l’âme,
Baume de
renaissance
Sur nos
blessures humaines.
Fil ténu qui
nous relie
Au langage de
la création.
Apaisement.
7
En
Toi
Je dépose
Tout ce qui
fait
Que je suis
Moi
Etre futile
Et désemparé
Gardant
Au cœur
Cette ultime
Graine
Merveilleuse
D’espoir
Baignée
Par les
larmes
De regret
Et
d’amertume.
Je suis
Ce lieu
secret,
Inconnu,
Où je me
réfugie
Désespérément
Et où je
grandis
Avec
exaltation
Au fil
Du temps.
De mes vies.
8
Prophétie
Divinement
humaine
Portant les
stigmates
De toute
souffrance,
Au-delà de
toute vanité.
Posée
là ;
Comme une
Enigme.
Ode
incantatoire
De la
Mémoire,
Nous
rappelant
Sans cesse,
Par les fils
inextricables
De ses vies
offertes,
Le long cri
De
L’âme
Dans sa
Nuit.
9
Quelque part
Une terre
Vaste
Et riche
De toi.
Une terre
Où sont
retombés en pluie
Des éclats
d’étoiles.
Une terre
Où ils ont
fleuri,
Linceuls
blancs,
Eclatants.
Une terre
Baignée de
leur lumière,
De leur
lointaine transparence.
Me pencher
doucement
Dans ce champ
de silence
Et me perdre
Dans ton exil
De mystère.
Et nous
retrouver
Un jour,
Quelque part
Dans les
tendres brumes
De l’âme.
10
Et…
L’animal
S’écroulait
Terrassé
Au seuil de
l’éternité.
Point
invisible,
Sacré.
Echo d’une
Fatalité
intérieure
Intemporelle.
Pilier
cosmique
D’un monde
Né
De ses
entrailles.
Et
l’enfantement
Se produisait
Mille fois
recommencé.
Union
instinctive
Du ciel
Et de la
terre.
11
Et…
S’élevait le
temple.
Et l’univers
s’harmonisait
Autour de ce
rituel de
Mort.
Architecture
céleste
Réglant
Le royaume
intérieur
Des êtres
Et leur mode,
Aux
dimensions
Infiniment
Parfaites
De ces
Vérités
Inconnues et
divines.
12
Et…
S’épanouissait
L’âme
En un trait
de
Feu.
Force vive,
Messagère
Des
différents mondes
Unifiés.
Et…
13
ICARE
Ou
La dernière parole de l’ange.
La main
s’ouvrait,
Libérant
Le secret.
Et le violon
de
La mémoire
Egrenait les
notes
De la
symphonie
De l’ange.
Lointaine
nostalgie
Lui rappelant
Qu’aux
confins
D’un temps
Sans âge,
Un rite
Initiatique
Fit de lui l’être
Merveilleux,
Un égal de
Dieu.
Et la main
s’épanouissait,
Et les ailes
se déployaient,
Ivres
D’un désir
insensé.
Et
retombaient…
Brisées.
Découvrant
l’être
Infiniment
blessé
Per ce reflet
Divin.
14
Métamorphose
Ou
Le cantique d’amour.
Au réveil
d’un sommeil
Millénaire
De gloire,
Le corps
encore tout ensemencé
De poussière
de lune,
Le cœur
affolé
Battant au
creux de sa paume,
Animal
effarouché
Par le rire
grinçant
Du temps,
Il accomplit
le geste
Irrémédiable,
Le projetant
avec violence
Hors de son
corps
De songe.
Déchiré,
Ecartelé
Par
l’éclosion de vie
Qui tourmente
Sa chair.
15
La prière
Ou
Le loup adorateur de croix.
Et du cœur
De la
pénombre nue,
Jaillit une
plainte vive,
Ecorchée
Par le flot
grondant
Des terreurs
invaincues.
Et le temps
d’un dernier espoir,
L’homme se
coule
Dans le corps
de la bête,
Implorant
;
Tous ses sens
Douloureusement
tendus
Vers le
temple de ses rêves
Perdus.
Et sur les
cendres
De ses peurs
immolées
Renaît,
En une
lumière éblouissante,
Qui lui
traverse le corps
En un éclair
de feu,
La douce
sonate
Des âmes
violoncelles
Délivrées
Par
l’éternité
D’un violent
battement de vie.
Souvenance
D’infini…
16
Le Messie.
Les eaux
mortes
Caressaient
Le corps
Meurtri
Par les
empreintes impalpables
D’un destin.
Et de cette
blessure muette,
Qui
crucifiait
Ses chairs,
S’envolait
une gerbe
De feu
Qui
ressuscitait la lumière
Aveuglante
Et étreignait
son corps
De clarté.
Sève
vermeille
Qui sourdait
Dans ses
veines
Et,
D’une poussée
violente,
Imprimait
La trace
d’une vie jaillissante.
Et il
repartait
Sur son
chemin de lumière,
Emportant son
secret.
Sanglots
De joie vive
Cachés au
fond
De l’âme.
17
Chant des nuits.
Nuit d’Or,
Dont le
silence aveugle
S’enfle
D’un doux
froissement d’ailes,
Et le feu,
Et l’eau,
Et l’air
Et la terre
Retentissent
des clameurs
Souterraines
Des petits
peuples
Des songes.
Nuit de
Pourpre,
Le sang de la
terre immolée
Se répand
En milliers
de pétales
De roses
Sur l’autel
Du vent.
Frémissement
voluptueux
Des
entrailles
De la
Nuit-mère.
Alors éclate
le chant des ombres,
Dans un
foisonnement
Eperdu
De couleurs
de vie,
En hymne
A la terre
Glorifiée.
18
Le Porteur de loup.
Et de cette
matrice céleste
Irradiait
L’homme.
Relié
Par ce cordon
ombilical
A l’océan
cosmique,
Il s’élevait,
Autel
originel
Dédié
Aux grandes
forces divines.
Enchaîné
A son destin
Par les Fils
de la Terre.
Gardant en
secret au creux de sa main
Une empreinte
d’or,
Trouée
De vie
Laissée en
testament
Par la mort
Qui
s’écoulait
Lentement
En lui,
L’emplissant
du temps sacré
De la
connaissance
Infinie.
19
Et les ténèbres
Accouchèrent
D’un cri
Dévorant
Les
entrailles de sa mère
Bien avant
Que d’être
né.
Cri de
lumière
Dansant
Sur des
cendres bruissantes
De peur,
Parmi les
spectres
Des espoirs
consumés.
Lueur de joie
folle
Étreignant
Le cœur des
étoiles,
Leur lançant
un ultime appel
Désespéré
D’amour.
20
Textes ;
Catherine IMPORTUNA
Tableaux :
Jürgen EHRE