Palerme ou Les Roses Noire
Palermo, il giorno che la vidi per la prima volta…
1
Palerme
Ou
Les Roses Noires
Quand
tu émerges des ténèbres,
Noir,
comme du sang calciné,
Au
chant de tes funestes vêpres,
Tu
portes haut ta bien-aimée.
2
Quand
Palerme de blanc voilé,
De
processions et fêtes données,
Un
parfum de cierges exhale,
Les
Roses Noires sont fanées.
.
Tu
interpelles nos destins
De
ta grandeur disparue.
Tu
suis les traces
De
nos ombres
Sur
la lave des pas perdus.
3
Sous
nos pas elle gémit,
Son
reflet presque éteint
Implorant
Qu’elle
bénisse,
Tous
tes anges taciturnes.
4
Palerme
Dévoile
ses splendeurs,
Ses
folies avec sagesse.
Et
ses somptueuses demeures
Ont
un fond de bleu céleste.
.
Le
sirocco, ce vent chaud,
Vient
mourir
Dans
tes cavernes.
Et
impose le silence
Devant
tant d’insolence.
5
Ville
mystique, ville de silence,
Ville
fière, ville d’opulence.
Femme
divine, noblesse gantée,
Qui
pèse le feu et la glace.
Qui
attise ou refroidit
Tous
les cœurs lancinants
Qu’elle
éclaire en passant.
6
De
tes palais majestueux
Se
penchent des anges
Versant
leurs larmes
Sur
les ruines somptueuses
En
extase devant Palerme.
7
Fier,
Ce
cheval tire son carrosse.
Fiers,
Les
capucins exhibent leurs os.
Lorsqu’ils
rient, séchés, vivants,
Dans
leur costume de dimanche.
8
Une
vierge muette
Veille
sur leur paix,
Auréolée
d’un néon bleu,
Et,
généreuse, bénit leurs âmes.
9
Quand
les cendres de ton ombre
Ne
seront plus que des décombres,
C’est
elle qui guette
L’âme
ébranlée
Qui
ne peut s’affermir.
Et
sa clameur
Monte
au ciel
Où
son cri se révèle !
10
Mais
toi, marionnette exsangue,
Rescapée
d’une histoire glorieuse,
Te
mouvant par des muscles étrangers.
Pupi,
dont le visage exprime,
Des
facettes de rire et (de) mimes
Où
le poids des siècles est passé.
.
Et
toi, étranger,
visiteur
impromptu,
Le
cœur chauffé ou refroidi.
Juste
un regard étonné,
Effrayé
ou ébahi
Par
tant d’étranges
Cérémonies.
11
Une
tête, des seins,
Un
pied, un bras,
Une
main, un cœur,
Un
nez cassé, une jambe en l’air.
Un
visage éploré.
En
argent, tout scintillant.
Le
buste d’un Saint pénétré.
12
Tous,
Dansant
par-là, accrochés.
On
les appelle
Des
ex-voto.
Déposés
et entourés
De
dentelles en lambeaux
Et
de couronnes étonnées
Assemblées
par les dévots.
13
Palerme,
ville
exquise, odorante,
D’immobilité
voluptueuse
Et
de paresse savoureuse,
A
le cœur ouvert à l’espérance.
De
joie nourrie,
Au
goût de sel,
Fière
de sa succulence.
Et
tout s’explique
Face
à la mer
Où
la baignade
Est
interdite!
14
Quand
Palerme
Choisit
son éclairage
De
discrétion obscure,
Elle
cultive ses préférences
Amoureuses
De
désir étourdissant.
Le
regard des femmes
Dévoile
le rôle
De
leurs belles parfumeuses.
La
nuit procure satisfaction
À
la sensualité ludique.
Et
la pudeur supposée
Reçoit
de vifs démentis
Sous
l’œil avide du public.
15
Une
procession traverse les rues.
Rosalia
bénit les cœurs,
Portée
par de fières épaules,
Sous
des voiles et couronnes.
Et
le cri du peuple se réveille,
Halluciné,
nostalgique,
Devant
tant de charme mystique
.
Dans
la vallée de son cœur,
Là,
où les souvenirs se bousculent,
Où
la flamme déjà vacille,
Où
elle craint de mourir,
La
voix des fidèles retentit,
Devant
cette scène grandiose,
Les
mythes se réveillent
Et
les Saints prennent des poses.
16
De
Sainte Rosalie
Et
ses divins Dolci,
À
la sublime Ricotta
Et
au Trinfo di Gola.
Fenouil
sauvage
Défroqué
en pâmoison,
Regorgeant
d’ivresse.
Palermitains
éperdus,
Ployant
sous leurs messes.
.
Visages
sublimes,
Croix
de roses.
Tous
les maîtres réunis,
Savourant
l’issue heureuse
Dans
Leur
mélancolie grandiose.
17
Oh,
Santa
Maria dei Naufragati
Et
ses envoûtantes vêpres!
Portant
haut sa couronne,
La
joie au cœur
À
la gloire des disparus
Et
des âmes étreintes.
Naufragé
ou vivant,
Son
cri émerge des profondeurs
Où
la mort s’évanouit dans le néant.
18
Le
Trionfo della Morte
Vous
accueille partout.
C’est
un momento mori
Qui
galope parmi la foule.
Les
fleurs déposées
Sur
la tombe de Fréderic II
Sont
fanées depuis longtemps
En
guise de bienvenue.
19
Passe
Une
mariée,
En
voile, joyeuse,
Toute
en dentelles,
Au
visage de Madone,
Le
cœur baigné
De
larmes de miel.
.
Rouge
est sa bouche
Au
goût de fraises.
Et
sur ses lèvres se dessine
Le
sourire qu’un ange devine.
Il
lui prête ses ailes majestueuses
Et
sa face d’ange heureux.
De
sa fière beauté émane
Toute
la pureté de son âme.
Elle
exhale la fraîcheur du bonheur.
Son
cœur empli de tendresse,
Qui
attend une belle messe.
20
Le
blanc triomphe, le blanc ose.
Sur
sa main finement sculptée,
Parfumée
de belles roses,
Un
chaste baiser se dépose.
Et,
dans un crépitement joyeux,
Avant
qu’un pétale ne tombe,
Monte
l’envolée des colombes.
21
Le
père, sévère, honneur oblige,
Tient
la main de sa fille.
Une
larme pressée orne sa paupière
Et
rejoint celle de la mère.
Larmes
de joie et larmes amères
Se
mêlent ici à la fête,
À
toutes les mains généreuses
Et
graines de riz que l’on jette.
22
Volez,
ma belle,
Au
septième ciel,
Où
la providence vous guette
À
Palerme.
23
Approche,
Cagoule
noire.
Montre
ton visage
À
la face de Palerme.
Sur
ton cheval déjà rompu,
Cabres-toi,
Fier
de ton rang,
Ajuste
ton pas
Au
noble sang!
24
Voilà
Palerme en habit noir,
Quand
sonne la cloche venue le soir.
Dans
la blancheur de la lune,
Cerbère
se réveille
Via
Maqueda.
Là,
où le couteau est triomphant,
La
nuit, seule, est conquérante.
.
La
lune dessine
Ses
rancœurs dans le ciel.
La
bête traquée quitte son antre,
Accueille
le jour d’un œil absent,
Lève
ses paupières crépusculaires
Sur
les cœurs palpitants,
Noyés
de feu et de sang!
25
Quand
l’aile de l’ange,
Avec
douceur,
Se
heurte enfin au silence,
Une
étoile consumée
Tombe
du ciel en grand rire.
S’éteignant
ici-bas.
Par
le regret de son éclat.
26
Quand
l’aube, enfin,
Pleine
de sagesse,
Lui
baise sa main tachée de sang,
Le
jour implore dans sa détresse,
Le
soleil qui, en grand maître, se lève,
Resplendissant
en sa messe !
.
Jürgen
EHRE Palermo, le 02/03/2015(23 avril 2018)