SAINT
PIERRE… La Perle
des Antilles
La ville de
Saint Pierre, surnommée
aussi la Perle des Antilles ou le Petit Paris… blottie
dans une baie protégée, entourée d’une verdure somptueuse, était la principale
ville de commerce et capitale culturelle à la Martinique. Dans
la mer nourricière grouillait encore des poissons, la pêche florissait,
et sur cette terre fructueuse les récoltes abondantes enrichissait la ville. On
construisait de belles maison au style néocoloniale et ses trottoirs étaient
bordés de marbre, OUI ! Inimaginable aujourd’hui ! Une belle
et fière cathédrale en hauteur avait vue sur l’horizon… un
théâtre de 800 places même où le Tout-Saint-Pierre se pavanait (enfin
pas tous !), et le premier tramway hippomobile trottait
dans les ruelles pourvues d’un éclairage électrique moderne qu’équipait
la ville… déjà en 1900, du jamais vu ! Un jardin botanique était la fierté de la ville!
D’où
on appelait Saint Pierre aussi la Venise tropicale !
Il y régnait,
bien sûr, l’esprit du colonialisme hautain et fier au détriment des vrais
habitants…
Mais derrière
cet apparent bonheur se cacha aussi l’histoire douloureuse et barbare de l’esclavage
que nous oublions parfois…. car Saint Pierre pouvait étaler sa richesse
grâce à l’industrie sucrière et au commerce des esclaves… qui commença à partir de la période 1641 avec les hollandais. Ce trafic immonde d’êtres
humaines qu’est l’esclavage se développa encore d’une façon hallucinante sous Louis
XIV (décision prise à Versailles entre 1671 et 1674 pour favoriser la culture
de sucre) le roi soleil… quelle ironie du sort… et vit son
apothéose en 1700!
Ce
triste sort, la traite de nègres (30 à 50 millions d’êtres humains réduits en esclavage, torturés,
castrés et morts épuisés sous le fouet bienveillant des blancs), n’arrose pas
une larme aujourd’hui… les éternelles larmes sont pour d’autres !
Petite
Interlude :
Le
roi soleil… (sic
transit gloria mundi) qui
avait croisé en 1669 la veuve Scarron… la Marquise de Maintenon, aux
Antilles que l’on nommait « la belle indienne » car elle a passé sa jeunesse sur cette île
.
Et la reine Joséphine, cela vous dit
quelque chose ?
N’oublions pas
une certaine Marie Joséphine Tascher de La Pagerie, dite Joséphine
Rose de Beauharnais… qui est née en 1763 aux Trois-îlets en
Martinique… elle fut la première épouse de l’empereur Napoléon
Ier de 1796 à 1809 et Impératrice de Français, aussi reine
d’Italie de 1804 à 1809 !
Il fallait
attendre le 27 avril 1848 lors que, grâce à Victor Schœlcher,
l’esclavage
pris officiellement fin. Nous en reparlerons plus loin…
…
Revenons
à la ville
de Saint Pierre de jadis, d’aujourd’hui et demain…
Au port de Saint Pierre somnolaient
d’innombrables navires, leurs voiles rentrées, les mâts pointant fièrement dans
le bleu d’un ciel immaculé où régnait un soleil éternel. D’autres accostaient
sans cesse ou repartaient avec des chargements précieux… un port des plus actifs
alors !
De riches
plantages s’aventuraient jusqu’aux flancs du Mont Pelée qui
faisait le guet d’un œil torve au-dessus de la ville… laissant échapper de
temps à autre une petite écharpe de fumée joyeuse qui dansait en sortant de sa
gueule au rythme des âmes inconscientes de Saint Pierre…
avant de s’évanouir dans les airs mouvementés, balayée par un doux vent
chaud… et parfumé !
En bas, à
Saint Pierre, on mena une
vie en grande pompe ; de belles créoles, dans la fraîcheur matinale,
sortaient de leurs maisonnettes … à la démarche nonchalante mais fière,
ondulant de leurs hanches, leur fichu bigarré sur leur tête, le visage radieux…
elles faisaient leur marché en riant. Les békés déambulaient dans les rues, à leurs
bras pendaient des dames évaporées portant des dentelles élégantes et raffinées
avec coquetterie… aux longues robes blanches à la mode, un petit parasol blanc
mignon protégeait leur teint pâle du soleil fougueux. Les hommes, drapés dans
leur éternel costume style colon, sûrs de leur prestige et devancés par la
fumée de leur cigare, symbole de réussite, paradaient comme des coqs dans ce
paradis!
Beaucoup
de monde arpentait le port
où mouillaient de belles caravelles apportant des marchandises et chargeaient
des trésors produits en Martinique ; de la canne à sucre, le
fameux rhum, des régimes de bananes, des mangues appétissantes mûries
au soleil généreux, et d’autres fruits et légumes furent chargés à bord, un précieux
chargement… le tout acheminait vers l’Europe qui languissait de cet exotisme…
La
Martinique livrait sa richesse, pour ne pas dire qu’elle fut spoliée et
assujettie par les colons qui régnaient !
Donc… la
belle vie se résumait plutôt pour eux, les maîtres les vrais habitants de
cette île merveilleuse, les Pierrotains, n’étaient plus qu’hôtes sur leur
propre terre !
Malgré leur
souffrance et le fardeau qu’ils portaient, ils profitaient de tout ce qui
venait de l’Europe pour faire de St. Pierre une ville des plus importantes des
Antilles, par le commerce bien sûr, et par le prestige ensuite suscitant
l’envie des autres îles et villes !
On parlait de Saint Pierre avec… fierté, même le plus
humble !
Le Morne
rouge et le Morne Vert
abritaient des sources naturelles dont on puisait l’eau pour la boire au creux
de la main… des fleurs exotiques s’élevaient en exubérance parfumant toute île.
Dans cette belle et dense forêt vierge on se sentait très proche d’une
création sublime que la nature à jamais donnée à voir à l’homme.
Où il faisait
bon de se promener, jeter un coup d’œil sur le port en bas et au-delà jusqu’à
l’horizon où se levait chaque matin un de plus beaux soleils pour noyer cette
belle île dans une chaleur berceuse… sous ses rayons puissants mûrissaient les
fruits… et qu’attendaient des fleurs magnifiques pour s’ouvrir!
Tout concouru
ici pour conférer un charme indubitable à Saint Pierre… la perle des Antilles !
Jusqu’au
jour, le 8 mai 1902, au matin. Le Mont Pelée, l’ogre omnipuissant, se réveilla de son long sommeil
traître… et anéantit la ville de Saint Pierre de son souffle funeste…
Œil von Lynx 25 juin 2013