Camille
Claudel 1915… le Film… à Montdevergues (Montfavet)
« Camille »
Avec Juliette Binoche et
Jean-Luc Vincent
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Ou…
Honte sur Paul Claudel son frère“
Ainsi devrait s’appeler ce film qui retrace la vie brisée de
Camille Claudel pendant son séjour forcé à l’Asile de Montdevergues à Montfavet
dans Le Vaucluse en 1915.
Un film qui n’a de signification que pour celui qui connaît
la vie de Camille, cette jeune femme de talent ayant travaillé dans l’atelier d’August Rodin, devenue statuaire et sa
maitresse… jusqu’à la rupture entre eux…
Camille
seule dans son petit atelier avec son talent immense, et face aussi au
monde artistique hostile, peuplé
d’hommes à cette époque. Elle y mena une existence dépourvue de tout,
travaillant avec acharnement son talent dans le dépouillement total.
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Pourtant, la rupture avec Rodin, cette passion dévorante et sans espoir, a laissé de profondes blessures chez elle, cicatrices ouvertes qui, malgré le bref succès de son travail, demeurent douloureusement présentes !
Pourtant, la rupture avec Rodin, cette passion dévorante et sans espoir, a laissé de profondes blessures chez elle, cicatrices ouvertes qui, malgré le bref succès de son travail, demeurent douloureusement présentes !
Et
puis, un jour, elle s’effondre, ne pouvant plus supporter ce
poids qui lui pèse sur l’âme.
Elle s’enferme chez elle ; devenue dépressive, elle
détruit nombre de ses créations, ses sculptures, les fait enterrer…
Jusqu’au jour où les voisins finissent par s’alarmer de son comportement
et préviennent sa famille.
Survient
le douloureux moment où son frère avec la complicité de leur mère, haïssant sa fille, fait enfermer
Camille à l’Asile de la ville Evrard… près de Paris.
La
guerre a éclaté, la France occupée; les malades seront envoyés dans la zone libre dans le sud à Montfavet
dans l’asile
de Montdevergues, déjà surpeuplé.
C’est là que Camille devra rester jusqu’à la fin de sa vie,
30 ans enfermée, alors qu’une simple dépression l’avait atterrée. Maintes fois
son Docteur soignant prévient son frère Paul, (et) l’exhorte à la sortir de l’asile, car Camille ne présente
aucune maladie mentale grave.
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Combien
de lettres Camille a-t-elle adressées à sa famille, à
Paul son frère, pour le supplier de venir la chercher, de mettre fin à
son exil, à son calvaire, lui rendre la liberté, lettres restées sans réponse, lettres qui témoignent de son esprit intact ! Paul
jouant l’aveugle, et pour cause, il doit avoir eu ses raisons pour que Camille
restât enfermée !
Et voilà, ce frère indigne, Paul Claudel qui s’est
déjà hissé bien haut sur la scène des célébrités… ayant réussi dans la vie,
devenu même ambassadeur de la France, successivement dans plusieurs pays,
logeant dans son château spacieux comme un roi avec sa famille et ses
enfants !
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Ce
frère, au cœur de pierre, qui alla rendre visite à
Camille une douzaine fois pendant 30 ans
de douloureuse réclusion forcée qu’il lui avait infligée, brisant non seulement
une jeune femme, sa propre sœur de surcroit, mais aussi un talent immense, une
artiste (avec), une âme infiniment sensible qui n’aspirait qu’à un peu plus de
bonheur et de pouvoir continuer à créer, à
s’épanouir dans son métier de sculpteur, vivre pleinement sa vie d’artiste…
Et
sa mère, Louise, qui
n’est jamais venue la voir pendant
tout son enfermement à l’asile!
Trente
ans de réclusion dans une maison de santé, jadis appelé asile,
de quoi briser un être humain pour
toujours.
C’est exactement ce que ce frère indigne a laissé
faire (s’accomplir !)
Il a sciemment abandonné, livré sa sœur Camille à ce néant
dévastateur dans un milieu où elle n’avait rien à faire et qui l’anéantissait
lentement mais sûrement !
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Elle
y croupissait encore en … 1915… Alors commence ce film douloureux,
au rythme lent et triste, chargé d’émotions indescriptibles ;
Des
images d’une vie ailleurs, d’une vie de morts vivants,
montrant la vie de Camille dans l’enceinte de l’asile, une journée comme toutes
celles qui s’ensuivent avec des occupations vides d’intérêt sinon substantielles, afin de
rester en vie… ou attendre la mort… se lever, manger, faire une
promenade … de menues taches d’un jour à l’autre, l’asile dans toute sa vérité, dans toute sa signification d’existence de morte vivante, des
yeux vides d’éclats, des âmes en détresse, des larmes amères ne sachant
plus où s’ arrêter… où se déverser… dont la souffrance nous est à peine
perceptible mais douloureux pour celui qui la vit !
On se doutait de ce qu’on allait voir dans ce film ! Une vie où
règne la maladie mentale ;
Le
film substitue un beau couvent à l’asile, dans le Luberon… mais même
cette beauté arracherait des larmes, car qui la sentirait, qui, vivant dans un
monde de glace et de terreur d’où il n’y a pas de retour… un monde inerte
et stérile comme une condamnation sans avenir autre que la cruauté de cette
incertitude… au retour de brusques lucidités ramenant les patients à une
sensibilité encore plus douloureuse… une plainte déjà enterrée à l’intérieur de leur résignation… Qui ?
À
l’heure du soir, Camille est assise, dos au mur que le soleil avait
chauffé de ses rayons bienveillants… Camille,
face à son examen de conscience, cette
heure dure pour un prisonnier ou l’exilé qui n’a à examiner
que du vide… le tenant suspendu un moment… puis il retourne à l’atonie,
s’enfermer dans ses malheurs.
Je ne voudrais pas me
perdre ici en plus de description de ce film austère, juste, difficile à mettre
en scène avec … Juliette Binoche incarnant Camille, rôle si difficile… Camille
en détresse constante et superbement interprété par l’actrice.
Le
film s’arrête sans éclat avec une logique implacable; la visite de son frère Paul
Claudel, le monstre, magnifiquement interprété par… Jean-Luc Vincent !
Paul
ce personnage arrogant et cruel, au discours empreint de
religiosité mystique et manquant de la plus élémentaire humanité… face à sa
sœur emmurée… dans le silence. Paul,
cintré dans son habit impeccable,
imperturbable, solennel, froid, trop
propre pour être honnête… de haute bourgeoisie catholique, sûr de sa superbe, venant dans sa petite auto
étincelante töf töf…töf…
C’est
moi, Paul… ! Paul Claudel ! Le génie, mais le mauvais génie !
Cet
homme imbu de lui, d’une arrogance sans égale, d’une
froideur à éteindre sec la joie de Camille qu’elle montre de le revoir
enfin ; elle lui vole littéralement dans les bras, qu’il a croisés derrière
son dos, le visage affecté, fermé, glacial, le regard morne d’un poisson mort,
un masque de son propre orgueil et
mépris, sans plus d’expression que l’indifférence… où le destin de sa sœur Camille a été inscrit
depuis longtemps !
On
comprend aisément, et ceci à travers ce qui nous a été rapporté par
l’écrit, les lettres adressées à sa famille et les livres, l’arrogance de cet homme,
écrivain, qui a connu une certaine gloire en son temps et qui la connait
toujours par ses œuvres !
IL
en résulte ceci ; que Paul Claudel a eu besoin de la
maladie de sa sœur pour s’arracher la gloire à lui SEUL… la disparition de Camille de sa vie lui a été nécessaire
afin de développer son propre talent ! Une hypothèse possible que Papa Freud eût trouvée intéressante
!
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Paul
Claudel est entièrement responsable de l’anéantissement de sa sœur
Camille en la privant sciemment de cette liberté qu’elle lui réclamait
incessamment ; il fut seul à pouvoir la libérer
de l’asile ! Ne l’oublions pas, et le médecin soignant de Camille
n’a cessé de le lui dire et assurer que Camille n’avait pas sa vie là !
Il
ne l’a pas fait, c’est un amer constat ! Il l’a maintenue à
l’asile ; et pendant que Camille, réduite au silence à jamais, achevant sa
course au néant, Paul Claudel, cet homme suffisant, hautain, orgueilleux et
ignoble, acheva triomphalement sa carrière, s’abreuvant de sa gloire et reconnaissance comme écrivain en
laissant pourrir sa sœur Camille à Montdevergues, l’abandonnant emmurée dans le
silence entre les murs du néant !
Honte,
encore une fois, à Paul Claudel !
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Un
détail, mais combien pénétrant (péremptoire ? tranchant?), est bien
vu dans le film du cinéaste Bruno DUMONT; Il s’agit de la personnalité de Paul
( Jean-Luc VINCENT) ;
On voit Paul à
table, la nuit, torse nu, plume en main, il écrit à Camille… mais
il n’arrête pas d’admirer ses épaules rondes et viriles, jouant même avec ses muscles, ses biceps gras… Narcisse
pris en flagrant délit est à l’œuvre… au comble de sa propre admiration,
rasé de près, petite moustache sur la lèvre supérieure, l’œil glauque, il aurait fait fureur dans les
marécages du Marais sans se noyer !
Le
film a été tourné partiellement dans le Luberon et à
Montfavet, dans des paysages magnifiques… où le rêve n’est plus permis… dans
une institution psychiatrique avec de vrais malades. Un film sobre, sans prétention, un constat douloureux de la vie de Camille
(Qu’est-ce qu’un homme
peut gagner dans la vie ? L’amour et la tendresse pour s’en
souvenir ? Connaître le bonheur ou…
l’amitié sans qu’elle ait eu le
temps d’être vraiment vécue… pour s’en
souvenir… la connaissance et la mémoire ?)
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