Hommage à Jean-Eugène Bersier,
peintre et graveur français (né le 8
juin 1895 à Paris et décédé à l’âge de 85 le 23 octobre 1978) qui fut mon
premier professeur dans l’atelier de gravure et eau-forte à l’école Nationale Supérieure
des Beaux-Arts de Paris. Celui qui m’enseigna et m’apprit la technique de la gravure
à l’eau forte et au burin, la plus
difficile ! Lorsqu’en 1962 je m’inscrivis dans son atelier, je fus
fortement impressionné par cet homme à l’allure imposante et grave mais
souriant, un homme où perçaient le savoir et l’expérience ; l’on dirait aujourd’hui
un homme charismatique, car tel il le fut.
Enfoncé majestueusement dans son énorme
fauteuil au milieu de l’atelier (on eût dit un personnage baroque sorti d’un
roman de Zola et croqué par Honoré Daumier) d’où il regardait ses élèves
travailler donnant des conseils et surveillant nos progrès, il m’accueillit
chaleureusement, regarda mon dossier de dessins qu’il approuva avec un
hochement de la tête et, avec un regard malicieux, me posa cette question
énigmatique dont (en ce temps de mon innocente jeunesse) je ne saisissais pas encore très bien la
portée et la signification: « Avez-vous de l’argent ? » Je ne sais
plus ce que je lui ai répondu ; à vrai dire j’ignorais s’il eût mieux valu
qu’un « rapin » apportât une bourse bien remplie, disposant d’une certaine aisance pécuniaire… pour
prétendre entamer la carrière d’artiste peintre, au lieu de se jeter les yeux
fermés dans ce chemin parmi ces meurt-de-faim, ces barbouilleurs comme ils
étaient considérés et méprisés. Juste bons
pour donner du piment à la belle littérature dont on étoffait les pages,
et dont on entretenait les lecteurs avides de romantisme et de sensations (comme
ce fut le cas des Impressionnistes).
Mais mon inscription dans son atelier était
faite, ma demande approuvée, et dès lors je travaillais avec assiduité la
gravure… changeant plus tard d’atelier pour la lithographie, et pour me
consacrer à la peinture.
Jean-Eugène Bersier, revenu de la guerre et blessé, appartenait au
Front National des Arts… il fut connu pour sa période algérienne où il peint
des paysages… plus tard il publia une étude sur « L’histoire de la
gravure » aux éditions Berger-Levrault en 1947, suite à la
publication du livre « La lithographie en France de 1920 »…
En 1950 il revient à l’école des beaux-arts d’Alger, puis fut appelé à l’école
des beaux-arts de Paris afin d’y enseigner l’histoire et la technique difficile
de la gravure.
Je garde un souvenir chaleureux de cet
homme rayonnant dont émanait une bienveillance particulière, et qui, avec
l’expérience du temps parcouru et de son âge, savait juger d’un œil lucide
l’évolution des tendances de l’art, sans jamais perdre le sens critique nécessaire
à son accomplissement nous guidant au-delà des tolérances académiques
établies !
Lors d’un séjour en Allemagne, pendant
les vacances d’école, je recevais une longue lettre de lui, accompagnée d’une magnifique petite gravure de sa création… annotée
de plusieurs mots de cette langue dont il possédait quelques notions… quelle gentillesse et générosité émanaient de cet homme !
J’aimerai ici publier cette gravure, une
eau-forte exécutée avec une grande délicatesse; épreuve d’artiste signée de
Jean E.Bersier
Jürgen Ehre
-Paris 28/12/2014