mercredi 17 avril 2013

Camille Claudel 1915… le Film… à Montdevergues (Montfavet)



Camille Claudel 1915… le Film… à Montdevergues (Montfavet)

 

« Camille » 



 


  Le Film du Bruno Dumont    

Avec Juliette Binoche et  Jean-Luc Vincent

 

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Ou… Honte sur Paul Claudel son frère“

Ainsi devrait s’appeler ce film qui retrace la vie brisée de Camille Claudel pendant son séjour forcé à l’Asile de Montdevergues à Montfavet dans Le Vaucluse en 1915.

Un film qui n’a de signification que pour celui qui connaît la vie de Camille, cette jeune femme de talent ayant travaillé dans l’atelier d’August Rodin, devenue statuaire et sa maitresse… jusqu’à la rupture entre eux…

 


Camille seule dans son petit atelier avec  son talent immense, et face aussi au monde  artistique hostile, peuplé d’hommes à cette époque. Elle y mena une existence dépourvue de tout, travaillant  avec acharnement  son talent dans le dépouillement total.

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Pourtant, la rupture avec Rodin, cette passion dévorante et sans espoir, a laissé de profondes blessures chez elle, cicatrices ouvertes qui, malgré le bref  succès de son travail, demeurent douloureusement présentes !  

Et puis, un jour, elle s’effondre, ne pouvant plus supporter ce poids  qui lui pèse sur l’âme.

Elle s’enferme chez elle ; devenue dépressive, elle détruit nombre de ses créations, ses sculptures, les fait enterrer…

Jusqu’au jour où les voisins finissent par s’alarmer de son comportement et préviennent sa famille.

 

Survient le douloureux moment où son frère avec la complicité de  leur mère, haïssant sa fille, fait enfermer Camille à l’Asile de la ville Evrard… près de Paris.

 

La guerre a éclaté, la France occupée; les malades seront  envoyés dans la zone libre dans le sud à Montfavet dans l’asile de Montdevergues, déjà surpeuplé.

C’est là que Camille devra rester jusqu’à la fin de sa vie, 30 ans enfermée, alors qu’une simple dépression l’avait atterrée. Maintes fois son Docteur soignant prévient son frère Paul, (et) l’exhorte  à la sortir de l’asile, car Camille ne présente aucune maladie mentale grave.

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Combien de lettres Camille a-t-elle adressées à sa famille, à Paul son frère, pour le supplier de venir la chercher, de mettre fin à son exil, à son calvaire, lui rendre la liberté, lettres  restées sans réponse, lettres  qui témoignent de son esprit intact ! Paul jouant l’aveugle, et pour cause, il doit avoir eu ses raisons pour que Camille restât enfermée !

Et voilà, ce frère indigne, Paul Claudel qui s’est déjà hissé bien haut sur la scène des célébrités… ayant réussi dans la vie, devenu même ambassadeur de la France, successivement dans plusieurs pays, logeant dans son château spacieux comme un roi avec sa famille et ses enfants !

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Ce frère, au cœur de pierre, qui alla rendre visite à Camille une douzaine fois pendant  30 ans de douloureuse réclusion forcée qu’il lui avait infligée, brisant non seulement une jeune femme, sa propre sœur de surcroit, mais aussi un talent immense, une artiste (avec), une âme infiniment sensible qui n’aspirait qu’à un peu plus de bonheur et de pouvoir  continuer à créer, à s’épanouir dans son métier de sculpteur, vivre pleinement sa vie d’artiste…

Et sa mère, Louise,  qui n’est jamais venue la voir  pendant  tout son enfermement à l’asile!

Trente ans de réclusion dans une maison de santé, jadis appelé asile, de quoi briser un être humain  pour toujours.

C’est exactement ce que ce frère indigne a laissé faire (s’accomplir !)

Il a sciemment abandonné, livré sa sœur Camille à ce néant dévastateur dans un milieu où elle n’avait rien à faire et qui l’anéantissait lentement mais sûrement !

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Elle y croupissait encore  en … 1915 Alors commence ce film douloureux, au rythme lent et triste, chargé d’émotions indescriptibles ;

Des images d’une vie ailleurs, d’une vie de morts vivants, montrant la vie de Camille dans l’enceinte de l’asile, une journée comme toutes celles qui s’ensuivent avec des occupations vides d’intérêt  sinon substantielles,  afin de  rester en vie… ou attendre la mort… se lever, manger, faire une promenade … de menues taches d’un jour à l’autre, l’asile dans toute sa vérité,  dans toute sa signification  d’existence de morte vivante, des yeux vides d’éclats, des âmes en détresse, des larmes amères ne sachant plus où s’ arrêter… où se déverser… dont la souffrance nous est à peine perceptible mais douloureux pour celui qui la vit !

On se doutait de ce qu’on allait voir dans ce film ! Une  vie  où règne  la maladie mentale ;
 

Le film substitue un beau couvent à l’asile, dans le Luberon… mais même cette beauté arracherait des larmes, car qui la sentirait, qui, vivant dans un monde de glace et de terreur d’où il n’y a pas de retour… un monde inerte et stérile comme une condamnation sans avenir autre que la cruauté de cette incertitude… au retour de brusques lucidités ramenant les patients à une sensibilité encore plus douloureuse… une plainte déjà  enterrée à l’intérieur de leur résignation… Qui ?

À l’heure du soir, Camille est assise, dos au mur que le soleil avait chauffé de ses rayons  bienveillants… Camille, face à son  examen de conscience, cette heure dure pour un prisonnier ou l’exilé qui n’a  à examiner  que du vide… le tenant suspendu un moment… puis il retourne à l’atonie, s’enfermer dans ses malheurs.

Je  ne voudrais pas me perdre ici en plus de description de ce film austère, juste, difficile à mettre en scène avec … Juliette Binoche   incarnant Camille, rôle si difficile… Camille en détresse constante et superbement interprété par l’actrice.

Le film s’arrête sans éclat avec une logique implacable;  la visite de son frère Paul Claudel, le monstre, magnifiquement interprété par… Jean-Luc Vincent !  

Paul ce personnage arrogant et cruel, au discours empreint de religiosité mystique et manquant de la plus élémentaire humanité… face à sa sœur emmurée… dans le silence.   Paul, cintré dans son habit  impeccable, imperturbable,  solennel, froid, trop propre pour être honnête… de haute bourgeoisie catholique,  sûr de sa superbe, venant dans sa petite auto étincelante töf töf…töf…

C’est moi, Paul… ! Paul Claudel ! Le génie, mais le mauvais génie !

Cet homme imbu de lui, d’une arrogance sans égale, d’une froideur à éteindre sec la joie de Camille qu’elle montre de le revoir enfin ; elle lui vole littéralement dans les bras, qu’il a croisés derrière son dos, le visage affecté, fermé, glacial, le regard morne d’un poisson mort, un masque de son propre orgueil et  mépris, sans plus d’expression que  l’indifférence… où  le destin de sa sœur Camille a été inscrit depuis longtemps !

On comprend aisément, et ceci à travers ce qui nous a été rapporté par l’écrit, les lettres adressées à sa famille et les livres, l’arrogance de cet homme, écrivain, qui a connu une certaine gloire en son temps et qui la connait toujours  par ses œuvres !

IL en résulte ceci ; que Paul Claudel a eu besoin de la maladie de sa sœur pour s’arracher la gloire à lui SEUL…  la disparition de       Camille de sa vie lui a été nécessaire afin de développer son propre talent ! Une hypothèse  possible que Papa Freud eût trouvée intéressante !

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Paul Claudel est entièrement responsable de l’anéantissement de sa sœur Camille en la privant sciemment de cette liberté qu’elle lui réclamait incessamment ;  il fut seul à pouvoir la libérer de l’asile ! Ne l’oublions pas, et le médecin soignant de Camille n’a cessé de le lui dire et assurer que Camille n’avait pas sa vie là !

Il ne l’a pas fait, c’est un amer constat ! Il l’a maintenue à l’asile ; et pendant que Camille, réduite au silence à jamais, achevant sa course au néant, Paul Claudel, cet homme suffisant, hautain, orgueilleux et ignoble, acheva triomphalement sa carrière, s’abreuvant de sa  gloire et reconnaissance comme écrivain en laissant pourrir sa sœur Camille à Montdevergues, l’abandonnant emmurée dans le silence entre les murs du néant !

 

Honte, encore une fois,  à Paul Claudel !

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Un détail, mais combien pénétrant (péremptoire ? tranchant?), est bien vu dans le film du cinéaste Bruno DUMONT; Il s’agit de la personnalité de Paul ( Jean-Luc VINCENT) ;

 On voit Paul à table, la nuit, torse nu, plume en main, il écrit à Camille… mais il n’arrête pas d’admirer ses épaules rondes et viriles, jouant  même avec ses muscles, ses biceps gras… Narcisse pris en flagrant délit est à l’œuvre… au comble de sa propre admiration, rasé de près, petite moustache sur la lèvre supérieure,  l’œil glauque, il aurait fait fureur dans les marécages du Marais sans se noyer !

Le film a été tourné partiellement dans le Luberon et à Montfavet, dans des paysages magnifiques… où le rêve n’est plus permis… dans une institution psychiatrique avec de vrais malades. Un film sobre,  sans prétention, un  constat douloureux  de la vie de Camille

 


(Qu’est-ce qu’un homme  peut gagner dans la vie ? L’amour et la tendresse pour s’en souvenir ? Connaître le bonheur  ou… l’amitié sans qu’elle  ait eu le temps  d’être vraiment vécue… pour s’en souvenir… la connaissance et la mémoire ?)




Camille Claudel  à Montdevergues

 

Œil von Lynx – Montfavet et 17/04/2013 N

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