MUNCH à La Pinacothèque de Paris - Madeleine
28 Place Madeleine, 75008 Paris
09.03.2010 (mis à jour le 15.05.2010)
Edvard MUNCH
Avertissement à l’attention des lecteurs:
L’article « chez Edvard’s » n’est qu’un clin d’œil imaginaire,
suivi d’un article plus sérieux sur le peintre Edvard Munch
Au Restaurant “chez Edvard’s” à la Pinacothèque
L’accueil est très discret. Atmosphère silencieuse, feutrée. On ne vous prend
ni le pardessus ni le chapeau, parapluie interdit, pas de vestiaires, mais, tenue correcte exigée.
Inutile de réserver, on déguste et mange debout, face aux murs, c’est tendance.
Les plats, discrètement éclairés, sont accrochés aux cimaises du lieu. Mais quels plats!
Vous pouvez choisir à volonté, charger vos assiettes avec les yeux, tout en suivant les autres affamés à la queue leu leu...pas désagréable, on digère mieux, débout.
Si un plat ne vous convient pas, vous passez, avancez sans façon, vous reculez ou vous vous dérobez, personne ne s’en offusque. Personne ne prête attention à vous. Un silence d’église vous accompagne. Le prêtre reste muet, accroché. Pardon ? Je vous ai bousculé ? Je vous en prie, Monsieur, il n’y pas de mal!
Tous ont l’air absorbés par leur choix, penchés en avant, incrédules devant ce qui leur est offert, le menu dans la main gauche, pour se ventiler sûrement ?
C’est copieux, inhabituel, envoûtant… hésitation, on y revient, et, décision, on choisit son plat préféré à contempler, les yeux mourant de faim.
Mais, vous verrez, tous les plats, sans exception, sont soigneusement sélectionnés, présentés et encadrés, attirent votre regard, stimulent votre appétit, vous interrogent, vous laissant perplexe. Vous saliverez d’excitation, tant ils sont bien épicés, colorés... un plat de paysage aux ingrédients sombres (par exemple) sera juste un peu plus lourd à digérer...Avancez en silence. Mangez à votre faim. N’oubliez pas que les peintures sont faites pour être regardées, comme toutes les femmes sont faites pour coucher avec les hommes. Je vous demande pardon? Non, non, ce n’est rien.....Avancez s’il vous plait. Les habits sombres se bousculent, complices, tendrement, cérémonieusement.
Dans la Cathédrale de “chez Edvard’s“, le chuchotement est permis, pas plus.
Serrez les rangs, vous n’êtes pas seul, les admirateurs se pressent, silencieux, impatients, ils veulent savoir et, surtout, voir. Certains visages s’approchent de très près, nez en avant, les narines dilatées, flairer quelque saveur, délicieusement inconnue, sûrement.
Ne pas toucher, Monsieurdames, merci! Les nez reculent aussitôt. Les doigts aussi.
Les “TelenoFPortelbaPareilsoTof ” disparaissent comme par enchantement. L’ordre est rétabli!
Au MENU de la célèbre cuisine de “M”, le.... chef cuisinier. M, comme mérité:Des plats baroques, beaux, atroces et somptueux, colorés, remarquablement cuisinés et prématurément vieillis, comme le voulut le chef.
Tous les ingrédients norvégiens s’y trouvent, influencés, certainement, par de terribles équinoxes, sauces épicées et arômes garantis, qui vous rendent taciturnes, imposent le silence par respect pour le cuisinier Edvard Munch (tiens!), vous avez découvert la signature du célèbre “Cordon bleu au violet, jaune et rouge“, de toutes les couleurs du ciel de la Norvège, comme vous préférez. Quel bonheur !
Aux titres alléchants:”L‘Amour“, “Rose“, Clair de Lune“, “La mort de la mère”, “Nuit étoilée”, Amélie et le Vampire” ou “Le Cri”. Ah! Vous connaissez?
Vous l’avez déjà entendu ? Mais pas encore vu, ni dégusté. Allons.
C’est un pont à franchir pour celui qui à le courage d’y mordre. ...mais soyez téméraire, dégustez. Etonné ? Vous restez la bouche ouverte? Normal. C’est un épice norvégien bien connu qui vous a brûlé le palais. Il se nomme “Skrik”! Jamais, jamais plus, vous aurez l’occasion de manger un morceau de ciel comme ça, jamais plus! Ce goût, il est unique, sa renommée n’est plus à faire, pérennisé, encyclopédié..
Pas de regrets. Seulement, l’effet de rester bouche bée se prolongera jusque la sortie. D’où, tous les gens qui sortent en choeurs..( l’air hébétés.). Cela passera.
Ah, j’oubliais...à votre attention: Le plat favori “Le Cri”, est épuisé. Son écho vous accompagne toutefois, partout, jusqu’à la sortie et au delà.
Comme dessert, nous avons préféré ...à voir plus tard. Continuons.
Pas de boissons servies. Si vous êtes impressionné et transpirez d’angoisses.... mais, vous pouvez demander un verre d’eau fraîche à l’accueil, on ne vous le refusera pas. On compatit.
Beaucoup de monde y accourt, dévorer des yeux les meilleurs plats de “chez Edvard’s“. Soyez patient. Prenez votre temps pour manger, ce sont vraiment des plats choisis parmi les plus beaux de ce peintre /cuisinier, même ceux de sa “jeunesse”,...déjà.
Admirez...Ayez peur, restez solennel, ne bougez pas, regardez. Vous avez ressenti le souffle qui balaie votre âme de sa félicité ? Vous êtes comblé. Maintenant vous pouvez repartir, en paix, affranchi de faim, heureux, vous disant, j’ai été gratifié par ce Monsieur.
Mais, s’il vous plaît, Madame, comment on prononce déjà ce nom curieux ? On prononce “Munk” , “u“ comme “vu“! Merci de m’avoir éclairé, Madame. Eh bien, je lui souhaite un repos bien mérité, à ce Monsieur M”u”nk, et merci encore pour ses plats somptueux.
Adieu, Edvard MUNCH.
Annexe: Le Restaurant “chez Edvard’s”est ouvert de.............se renseigner, s’il vous plaît. Réservation superfétatoire. Merci.
Grand choix impressionnant aux saveurs norvégiens qui enrichissent votre palais cérébral de merveilles encore inédites (préparées entre 1863 et1944), chatouillent vos papilles et comblent vos yeux à satisfaire votre insatiable curiosité.
Prix abordable et modéré pour tous, étant donnée la renommée de “chez Edvard’s”!
Nous avons beaucoup aimé, à recommander absolument. Ne tardez pas à le découvrir.
Oeil von Lynx - En février 2010 Paris
Et, un peu plus sérieux:
Edvard MUNCH ou Le Cri en Couleurs
Une vie tragique qui s’exprime avec le (son) Cri. Toile célèbre (1893). Même si cette toile manque ici, elle est omniprésente dans notre mémoire et certainement la mieux connue de ce peintre norvégien qui considérait que “ Au moins quand je peins, je m'ennuie moins”
Cette exposition, qui se concentre sur l’oeuvre tardive de l’artiste (1863-1944), moins connue, est remarquable par le choix des oeuvres de Munch, et vous permet de mieux le connaître, de sonder l’âme de ce peintre tourmenté pour qui la vie fut certes marquée d’une touche tragique ... mais dont la mélancolie ne réussit pas à voiler son talent lumineux.
Sa sensibilité exacerbé, l’angoisse existentielle l’accompagnaient et le marquèrent pendant toute sa vie, laissant leurs traces jusque dans ses peintures, sombres, assombries, cherchant désespérément la clarté dans les cavernes obscures de son être, jusque dans les abîmes, au tréfonds de son âme, exorciser le démon là, où la scène théâtrale jouée se montre tantôt tragique, tantôt jubilatoire. Munch, à la quête de l’absolu en peignant le paysage sombre de la figure humaine, si controversée, qui l’éclaire au passage mais qui peut aussi précipiter sa chute, tenta de se libérer de son emprise.
Munch préférait une palette violente, sombre, égale à lui-même, celle qui l’obséda toute sa vie, pour y transcrire une expérience personnelle douloureuse qui est visible dans la plupart de ses oeuvres. Est-il parvenu à la dompter, à l’accepter, cela reste incertain.
Edvard Munch, comme un funambule sur la corde tendue, cherchant l’équilibre dans le contraste des couleurs de sa vie...poursuivi par le “Cri” de ses hallucinations.
Quand l’imagination de Munch se développe au point de donner des corps à ses fantômes, à toucher ce qui l’effraye et à mépriser ce qui la protège, alors, “Le Cri” en est la démonstration la plus éloquente. Quel fleuve violent et magnifique sous cette couche de souffrance, quand les folles terreurs se dissipent, quand le battements précipités du coeur guident l’artiste à nouveau dans l’acte de la création, la peinture, quand la lumière sourde suit sa main de son rayon lumineux, comme un soleil qui promène ses ombres sur la toile.“ Le soleil noir“ , qu’évoquait déjà Julia Kristeva avec lucidité dans son traité sur la mélancolie.
Munch, en peignant “Le Cri“, a conjuré le spectre de la postérité sans le savoir. Corps et âme donnés à la peinture, rien qu’à la peinture, sans compromis.
Palette tragique qui nous laisse entrevoir une existence ébranlée et dont témoigne sa peinture, jusque dans la juxtaposition de ses couleurs, violentes, radicales, somptueuses.
Manière qui fut baptisée un jour “expressionnisme” et influença beaucoup de peintres ressentant la même nécessité de s’exprimer sur ce chemin tracé.
voir....(Lors de son exposition à Prag)
Munch, venu de l’impressionnisme, évoluera vers cet expressionnisme qui marqua fortement l’art allemand, surtout, et beaucoup d’autres artistes contemporains.
Rompant avec la représentation picturale traditionnelle, comme le firent aussi les impressionnistes de leur temps, il chargeait sa palette de tons purs, sombres, pour traduire au mieux l’émotion éprouvée et ressentie. De la même manière on peut rapprocher le travail d’Emil Nolde, Gauguin, Vincent van Gogh, Franz Marc, August Macke, Otto Mueller ou Max Pechstein, qui allaient affronter l’aventure dans un monde pictural, où tous les “excès“et toutes les audaces étaient appelés à harmoniser pour engendrer, bouleverser notre façon de voir et de découvrir la peinture...autrement.
Face à ses tableaux, nous nous interrogeons sur l’émotion éprouvée par l’artiste dans l’acte de peindre. Quelle est son implication ? Et nous constatons, invariablement, que c’est justement le vécu du peintre, dont la volonté imprime de son seaux le travail, y laissant les traces de ses angoisses, de ses doutes et de sa félicité aussi, bien sûr. Qui façonne sa création, son geste, le choix des couleurs, leurs tonalités, leurs voix, leur chant enfin, et, finalement.... réaliser des rêves, voilà la vie d’un peintre.
Nous savons que Munch exposa ses peintures aux intempéries pour altérer les matières, les vieillir prématurément. D’où, aussi, ses couleurs sourdes qui laissent néanmoins apparaître ce qu’elles furent jadis et ne trompent pas le spectateur sur leur éclat d’autrefois.
Munch, voulait-il tromper, devancer le temps ? Geste désespéré pour saisir le temps, de s’en emparer, de l’arrête d’avancer vers son destin irrévocable.
La peur des ravages qu’exerce l’aiguille en course, même sur une toile !
Munch n’avait peut-être pas la patience d’attendre...pour la rejoindre.
L’artiste prouve par sa spontanéité sans faille, sa touche juste, où se révèle la véritable valeur artistique, ce que nous nommons banalement “authentique“.
Authenticité par rapport au monde qui s’impose à l’homme, en occurrence le peintre, l’artiste, c’est à dire, créer, ce qu’il ne peut s’empêcher de créer, dictée
par sa vocation, sa vie, et seulement d’elle, en y apportant tout son vécu, certes, mais encore, le poids de la vie sur cette balance fragile qu’est l’être humain.
Pour Edvard Munch, la peinture fut un exutoire salvateur, au sens propre du mot, sinon une rédemption, qui le sauva, pourrait-on dire, et allégea sa souffrance afin de franchir le pont invisible entre la vie et la mort.
Je ne parlerai pas en détail des toiles exposées, il vous appartiendra de les découvrir, seul, sans influence quelle qu’elle soit.
Il faut s’imprégner d une oeuvre picturale comme on écoute une symphonie, tous nos sens aux aguets. L’émotion sera transmise, sera au rendez-vous.
Restez attentif, ne vous posez aucune question, car, vous n’irez jamais à l’encontre de la toile. “C’est toujours, et toujours l’oeuvre qui vient vers vous“. Patientez.
Toute description serait inutile, fuyez les explications de ceux qui prétendent pouvoir vous éclairer. Gardez vos sens en éveil, à l’écoute des battements de la toile.Munch disait: ”Fermez vos yeux et laisser impressionner votre âme”. La messe est dite.
Edvard Munch a vécu jusqu’à 81ans. Il a laissé un nombre impressionnant d’oeuvres: un millier de tableaux et de 4500 dessins et aquarelles. Une oeuvre immense, léguée à la ville d’Oslo, qui a construit en son honneur le “Musée Munch” à Toyen.
Munch s’est éteint, libéré de ses fantômes, emportant avec lui le secret de son alchimie avec laquelle il a marqué ses toiles, comme on marque une chair au fer rouge et dont les cicatrices invisibles nous offrent une vision bouleversante à travers son oeuvre où sa vie vaut comme fatalité.
La visite de cette exposition est bouleversante pour une autre raison, qui autorise une hypothèse, car, on nous propose une oeuvre déjà reconnue, consacrée, appréciée, pérennée, vue aussi (pour la plupart des tableaux). Pourquoi cette constatation?
Et si cela avait été la première fois ? Essayez de remonter dans le temps, imaginez-vous, que vous êtes confronté pour la première fois à une telle oeuvre.
Que diriez-vous ? Vous ne le savez pas, bien sûr, ne pouvant pas faire abstraction de vos connaissances, de votre mémoire, de votre re-connaissance d’une oeuvre.
Une telle expérience, pourtant, aurait été intéressante à faire. Dommage! Qu’avez-vous vu ? Qu’avez-vous vu, ressenti?
Cependant, le Cri d’Edward Munch vous persécutera longtemps encore.
Petit rappel chronologique:
Edvard Munch, né le 12-12-1863 à Loten en Norvège. Après ses études il part pour Paris où il rencontre Toulouse-Lautrec, Van Gogh et Gauguin (1886).
Plusieurs séjours en Allemagne, à Berlin il travaille la gravure à l’eau-forte et la lithographie, gravure sur bois et excelle dans les arts graphiques. Réalise des affiches et illustrations pour des journaux et participe aux expositions. Il meurt le 23-1-1944 à Ekely.
Oeil von Lynx- Paris fév.2010
LEFEBVRE Lou le 18/01/2012
RépondreSupprimerTrès bonne analyse, touchante, émouvante, perçante, poingnante... comme il se doit.
Merci
Lou
Merci d’avoir apprécié Edward Munch !
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