lundi 19 novembre 2012

PINA BAUSCH: Théâtre de la Ville, Paris



Théâtre de la Ville - Pina BAUSCH - Paris

2 place du Châtelet, PINA BAUSCH, 75004 Paris
15.05.2010 (mis à jour le 05.07.2012)

PINA BAUSCH: Théâtre de la Ville, ParisTanztheater Wuppertal Pina Bausch



Pina Bausch “la Prêtresse du Tanztheater”




                                     
Aujourd’hui je voudrais rendre hommage à Pina Bausch, cette grande dame brune et sobre. Celle qui a disparu après nous avoir fait rêver et nous avoir transportés avec son immense talent dans des sphères inconnues.

                                     

Pina Bausch fut une enchanteresse dont je me souviens avec bonheur chacun de ses spectacles. La découverte de son Tanztheater n’avait d’égal que la réalisation d’un rêve dont nous sortions littéralement transis de félicité.



La transcription sur scène de ses concepts est une vraie révélation. Personne, que je sache, n’a innové et composé avec tant de talent, d’audace et de fraîcheur, mariant la danse et le théâtre en maître(sse) absolu(e) comme elle. Elle dirigeait sa troupe à la perfection dans l’interprétation vers une plénitude renouvelée et communicative qui ne manquait jamais sa promesse.

Pina Bausch a aboli un tabou longtemps jugé intouchable: le concept du théâtre pur et de la danse pure, dont elle a su assimiler les deux concepts dans une remarquable unité. Comme souvent contesté, puis finalement accepté et applaudit, son concept a convaincu les plus sceptiques…



Ainsi naquit Le Tanz-Theater (littéralement le “danse-théâtre”), aux spectacles somptueux, joyeux ou tragiques selon les états d’âme de la comédie humaine, revue et corrigée en condensé par Pina Bausch.

Elle n’a cessé de nous surprendre avec ses créations innovantes entre la danse et le jeu de théâtre. Pas fiers, gestes gracieux, étudiés, tantôt hautains, tantôt lascifs, gestes subtils, surréalistes, éphémères.
Un doigt dans le ciel pour percer les nuages, les pieds dans l’eau bénite ou aux enfers.
Beaux danseurs, narcisses, se noyant dans leur miroir, et de belles danseuses aux silhouettes spectrales dont la mouvance et l’ombre, “selon Pina”, nous hanteront encore longtemps.

Avec humilité et toute sa sensibilité elle prélevait des essences à toutes les cultures et joignait les ingrédients à ses idées de visionnaire. La fermeté de son style, une certaine virilité de la pensée, la diversité de son inspiration et son exceptionnelle culture, font d’elle une de nos meilleurs chorégraphes, sachant avec un grand talent faire la synthèse de tous les trésors trouvés, afin de les transformer et les étoffer.



Cette illustre Dame, dont l’apparition et l’attitude sobre surprenait, fut une danseuse et une chorégraphe qui vivait en véritable osmose avec sa troupe.

Elle se produisait avec sa Compagnie dans le monde entier, était vue dans les plus grands théâtres. Tel le Métropolitain de New York jusqu’à Tokyo…et surtout, fidèle à Paris, au Théâtre de la Ville, où l’on pouvait la voir chaque année avec un nouveau spectacle, que nous attendions déjà avec impatience. Et, elle ne nous décevait jamais.


Le Tanztheater était devenu notre Transe-Théâtre, un moment de bonheur surprême. Une fête, à laquelle on se rendait, frémissant de plaisir, dans l’attente d’une rare plénitude.
Nourrissante comme toute culture peut et doit l’être .
Pina Bausch allait présenter son spectacle “Les sept péchés capitaux” à Moscou, au festival Tchekhov, lorsque l’Ange est passé… enlever cette créatrice infatigable afin de la rendre immortelle.

Hymne inconditionnel à Pina Bausch et de sa fidèle troupe.
Je lui dois les plus beaux moments de ma vie, en extase devant son oeuvre. Mais, c’est, peut-être, son alchimie qui m’a séduit, qui m’a attiré. Elle a su me donner des émotions, incendier mon flegme, secouer mes hormones bien mâles avec des gestes gracieux, fragiles ou déterminés, des blanches mains neigeuses de ses danseuses.


Muses inspirantes, comme toute femme, mélange d’ange et de lucifère à aiguiser notre sensibilité et nous donner des forces pour alléger le poids du monde que nous portons sur nos épaules, lesquelles nous dressons en forteresse autour de vous… Soyez légères les Belles, ne pesez pas trop lourdes svp, pour vous (sup)porter toute une vie, avec joie et tendresse.
Nous vous aimons
                                         

Avec ses longues et fines mains magiques, d’une blancheur de lune, Pina Bausch mêlait savamment l’immense et le dérisoire. Les gestes des danseurs et danseuses s’accomplissaient dans un décor qui les soulignait, rendant l’harmonie parfaite.
Pina Bausch fut un précurseur dans ce style de danse où la simple démarche exprimait une attitude, une pose ou un symbole. Elle savait créer une étincelle de folie dans la raison, l’a laissant s’échapper, et nous surprenait en créant des associations joyeuses, même dans la tristesse. Un condensé d’attitudes qui, en se projetant sur nous, nous rappelaient nos plus simples gestes dans la vie, narrés et tournés, avec grâce et humour, en dérision.

Elle savait chercher et extraire la lumière de la nuit qui la protège jalousement dans son sein obscur, rendre une pierre vivante, la faire respirer, participer à son ballet. Elle dépouillait un spectre pour faire apparaître la source de son halo. Tantôt gai, tantôt sensuel ou funèbre.
Ces hommes en tenue de soirée et les femmes en robes longues, grands décolletés et mines impénétrables. Leurs seuls bijoux étaient leurs gestes avec lesquels elles ébauchaient de vagues dessins dans le ciel de la scène, pour laisser retomber leur bras aussitôt. Comme si tout cela eût été vain et inutile.



Elles indiquaient un chemin d’une main trompeuse, ou la posaient sur leur coeur pour nous le sacrifier, nous le donner. Car ces artistes se donnaient à nous, pas seulement à voir, mais aussi corps et âmes, afin que nous en fussions pénétrés.
Ils se mouvaient dans l’ampleur de leur création comme s’ils revenaient d’un blanc naufrage, émergeant avec fierté au dessus de l’écume de la vague qui les transportait pour s’échouer sur les spectateurs.


Pina Bausch fut une magicienne, femme à peine fardée, sobre. C’est cela, sobre. Ses danseurs étaient ses bijoux.

 Quand les danseuses longues et diaphanes avançaient sur la scène, les bras levés au ciel comme dans un cri désespéré d’une bête mourante, une vibration traversait la salle. On retenait son souffle devant la beauté du tableau, de ce groupe d’anges aux ailes perdues et aux pieds nus qui couraient comme des pigeons amoureux, et dont les jambes, couleur de marbre blanc, restaient suspendues, figés un instant dans l’air, dans la stupeur, la vôtre, pour continuer d’avancer au ralenti…

Une rose flétrie et éplorée tombe d’une main résignée au sol…et, une autre main, insolente et sensuelle… Jetant un baiser hâtif au ciel…



Rideau.

Que la vie peut être belle, lorsque nous sublimons le tragique, le rendons supportable ou plutôt acceptable. Lorsque nous affrontons les affres de la vie en dansant, aucun labyrinthe ne nous tiendra prisonnier. Pina Bausch nous a donné la clé!

Elle a su en faire la démonstration, et c’est pour cela qu’elle reste inoubliable.
À travers le Tanztheater elle nous a fait entrevoir l’existence du bonheur, elle nous a éclairé et fait cesser nos doutes, en montrant l’être humain avec ses forces et ses fragilités, toutes les facettes qui attestent notre existence ou telles que nous les donnons à voir. Elle démantelaient toutes ces apparences avec humour, mettant tantôt un doigt sur la blessure quand il le fallait, tantôt elle l’ôtait pour que jaillisse une sensation nouvelle, mais toujours avec respect, avec grâce et avec de la politesse même qui s’inscrivait dans leur attitude, apparemment hautaine et insensible, au port haut à la démarche raide comme l’esprit qui semblait l’habiter, et qui fut à chaque fois démenti dans l’éclosion d’une nouvelle parabole, à nouveau souple.



Parfois, les danseurs se mouvaient avec une certaine lenteur, au ralenti, comme dans un rêve éveillé, quand le grand fauve bondissant daigne de nous laisser entrevoir la beauté qu’il a ajoutée à cet instant.

Aux gestes orchestrés avec maestria, aux déplacements impromptus, les danseuses apparaissaient comme des marionnettes ou des poupées étonnées au bras de leur cavalier en costume sombre et chemise blanche pour trancher dans un éclairage complice. Ils étaient l’ombre de leur dame, mais une ombre violette, présente et lumineuse.
Le terme “beau” est vraiment trop pauvre et tous les superlatifs ridicules et artificiels pour apprécier avec des mots, fussent-ils écrits, le travail dont nous gratifiait Pina Bausch. Elle nous transperçait, nous hypnotisait, nous attirait irrésistiblement pour nous enfermer dans son cercle magique. Cela était réussi, car elle le voulait, certainement.


Je pense toujours intensément à son art comme s’il s’était superposé à mon oeil, non seulement gravé dans ma mémoire, quand une brise mélancolique s’aventure dans les parages, quand le ciel devient opaque, quand l’étoile vacille… risque de tomber, risque de perdre son éclat!
Sortant de ses spectacles, revenant de ces soirées, nous débordions de joie et de bonheur à partager, à en parler jusque tard dans la nuit, jusqu’à ce que l’amour triomphât et Cupidon nous criblât de ses flèches empoissonnées que vous savez.:=))



Toujours vifs et joyeux!
Comment vous faire partager ces émotions (du spectacle) par de pauvres mots qui coulent d’une plume grinçante, avec cette charge énorme qui est de donner des émotions, de partager un plaisir. Soyez compréhensifs, svp. Merci!

Or, ce n’est que par les yeux que de telles visions daignent nous pénétrer, nous faire vibrer, nous faire partager leur extase et déclencher la nôtre pour la ressentir à fleur de peau.
Peut-être suis-je trop passionné, pardon! Mais j’ai bu des beautés (des spectacles, de la musique avec les yeux et les oreilles…) comme on boit la cïgue. Après, il n’y a plus rien, le néant, la dissolution totale, car ce fut à chaque fois une révélation.

Heureusement que Pina Bausch a su y pouvoir, et, nous servait d’innombrables verres de cet élixir exquis!

Cette grande artiste nous apparaissait dans sa “nudité” comme une poupée de porcelaine, sans un atome de poudre ou de rouge à lèvres, sans fard, d’une blancheur spectrale sous la lumière crue, pudique, simple, sûrement toute pareille à la petite fille qu’elle fut.
Pina Bausch faisait partie de notre nourriture terrestre!



Elle dirigea l’opéra de Wuppertal, qui est rebaptisé plus tard Tanztheater Wuppertal Pina Bausch.
Avec “Ein Trauerspiel”, créé en 1994 à Wuppertal, littéralement: Jeu de deuil, une tragédie qui exprime aussi notre désarroi, notre impuissance face au monde.”On peut penser que c’est un volcan ou un morceau de terre qui dérive…” (Pina Bausch), elle avait atteint une rare perfection entre le langage et le style, mélangeant la parole et la danse au jeu d’acteur.
Les danseuses et leurs partenaires évoluaient dans des décors spectaculaires créés par son décorateur, Peter Pabst. Etonnants décors avec des Champs d’oeillets, Rochers massifs, une Ile et beaucoup d’eau sur la scène. Le ciel attend son tour…



“Ma vie est sur la scène, la scène est ma vie” disait-elle. Pina Bausch a ouvert le Festival d’Avignon en 1995, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, avec “Café Müller”, et “Le Sacre du Printemps”. Spectacles accompagnés de chants indiens, espagnols, tziganes, de Tarentelles d’Italie, où Schubert et Louis Armstrong se côtoyaient également dans une diversité coutumière à Pina Bausch.

Spectacles, suivis de beaucoup d’autres…”Barbe Bleue”, “les Œillets”

Elle a créé ses pièces en s’imprégnant des lieux où elle a séjourné: Palerme, Budapest, Istanbul, le Japon, Séoul, Vienne, Los Angeles et Hong Kong. Les créations de Pina Bausch, cette magicienne venue du froid, ont su faire le bonheur de tous ses admirateurs, qui, inconditionnellement, revenaient tous les ans boire à sa source. Un moment inoubliable de bonheur et de félicité.

À la fin du spectacle, apparaissait au milieu de la troupe, humble, blanche, grande et pâle, presque effacée, une longue Dame brune aux cheveux relevés, noués, avec un visage spectral et grave.

Elle attirait tous les regards, comme un phare au dessus de la mer tumultueuse. Voilà qui fut Pina Bausch, telle que nous la gardons dans notre souvenir, dans notre mémoire, reconnaissants pour ce qu’elle a su nous donner.




Pina Bausch, la prêtresse, elle savait mélanger la drôlerie et la cruauté, la sensualité et la mort que ses inquiétantes danseuses exprimaient avec des gestes de fées, comme hantées par des réminiscences d’une vie pas encore vécue.



Pina Bausch, née le 27 juillet 1940, s’est éteinte le 30 juin 2009 à Wuppertal, en Allemagne.
Merci à Pina Bausch, ma grande dame brune et sobre. J’en étais amoureux...



Pina inspire…expire… inspire… expire… de ce souffle, déjà, naissent des poètes et poétesses, c’est si simple que cela… et vrai. Tout ce qui émane d’elle nourrit… et nous nourrit à notre tour !


Regardez bien ce beau visage ! Ce visage, resté beau, de Pina Bausch, où la beauté de la jeunesse se perpétue avec l’âge, se marie si bien avec son intelligence, son sens artistique de créatrice, c’est normal qu’elle inspire ses élèves, ses danseurs et ses « enfants », c’est normal qu’ils arrivent à se surpasser… sous ses auspices… à voir la force de cette femme, sa compréhension du monde ( ihre Weltanschauung, bildlich gemeint… entendu figuratif) !

Comment elle a procédé à prélever, sans blesser l’arbre, un fruit d’une autre culture et de nous le ramener intacte, d’en faire un ces ballets dont elle seule gardera toujours le secret ?!
Une telle synthèse est inouïe, un savoir-faire étonnant… peu de gens sont conscient du travail imaginaire et poétique que cela exige… cela représente souvent une vie entière, c’est du pur vécu… elle ne trichait pas, cela se voyait… des créations comme elle a su créer exige du sang ! Le sien ! Souvenez-vous en les amis : Un poète doit écrire avec son sang !:=))

Merci encore à Pina, de nous avoir laissé de telles richesses!

Oeil von Lynx, le cœur brisé  Mai 2010

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